Guillaume Coppola redonne voix au "Satie amoureux"
À l’occasion de la sortie de son nouvel album, le pianiste Guillaume Coppola se confie sur son enregistrement empreint de délicatesse et de pudeur, dans lequel il explore un Satie plus humain, plus tendre, loin des clichés du provocateur solitaire. Rencontre avec un interprète habité par la poésie du silence et la sincérité du geste musical.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de consacrer un album à Erik Satie ?
Guillaume Coppola (G.C.) : En 2023, le Centre Pompidou-Metz m’a demandé un récital Satie à l’occasion de l'exposition consacrée à Suzanne Valadon. J’ai alors réalisé que cette artiste était la seule femme que l’on connaisse dans la vie du compositeur. En effet, cette magnifique exposition présentait notamment le portrait de son amant qu’elle avait peint au début de leur courte liaison, les croquis que Satie avait faits d’elle, et la partition des Vexations composées à la fin de la relation. La préparation du concert m’a permis de me plonger dans l’univers si riche et varié de Satie et d’essayer d’en dresser un portrait... ou plutôt de montrer qu'avec les changements permanents de styles qu’il a abordés, il reste inclassable et insaisissable ! Suite à ce projet, j’avais gardé en tête le souhait d’enregistrer un programme entièrement consacré à ce compositeur. Le centenaire de sa mort en 2025 m’a donné l’occasion de le réaliser !
Satie est souvent vu comme un compositeur ironique, presque distant. Comment avez-vous cherché à révéler sa part plus intime ?
G.C. : J'ai tout d'abord déchiffré beaucoup de pièces très différentes pour essayer de comprendre l’étendue de ses inspirations. J'ai également lu des biographies ou des romans sur sa vie, ainsi que ses propres écrits. Enfin, et surtout, j'ai essayé d’être à l’affût du moindre indice contenu dans les partitions. Elles sont pleines de didascalies poétiques ou humoristiques, "Ouvrez la tête", "Du bout de la pensée", ou encore "Ne toussez pas", qui sont très inspirantes pour l’interprète que je suis ! Je pense cependant qu’il n’y a pas une vérité unique et absolue concernant son interprétation car le second degré est très présent dans toute la production littéraire ou musicale de Satie.
Quelle émotion principale souhaitez-vous laisser à l’auditeur qui écoutera cet album ?
G.C. : C’est une question difficile… J’aimerais sans doute laisser plusieurs émotions différentes, à l'image de mon ressenti changeant face à ce compositeur : je suis hypnotisé depuis toujours par l’atmosphère planante des Gnossiennes et Gymnopédies, je me régale du charme des valses et autres pièces de cabarets montmartrois et cafés-concerts, mais les pièces humoristiques ou carrément modernes suscitent aussi mon intérêt car, comme le dit l’expression, on ne sait jamais sur quel pied danser… J’aimerais donc partager cette curiosité avec les mélomanes, et leur donner envie d’écouter et de réécouter afin de tenter de percer le mystère Satie...
Guillaume Coppola, "un piano de soleil"
Pianiste français né à Besançon, Guillaume Coppola s’est imposé au fil des années comme une figure saisissante de sa génération, " un piano de soleil", pour reprendre les mots d'Emmanuelle Giuliani (La Croix).
Après des études au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris auprès de Bruno Rigutto - et un parcours riche en rencontres et en prix - il développe une discographie éclectique (Liszt, Granados, Poulenc, Schubert…), saluée par la presse française et internationale.
Guillaume Coppola est également enseignant et artiste engagé, jouant parfois pour des publics empêchés.
Erik Satie, un compositeur singulier, entre pudeur et folie douce
Né le 17 mai 1866 à Honfleur et mort le 1er juillet 1925 à Paris, Erik Satie est un compositeur et pianiste français qui, malgré une formation académique sans grand éclat, est devenu l’un des penseurs les plus audacieux de la musique : minimalisme naissant, structures épurées, humour discret, titres décalés.
Parmi ses œuvres les plus célèbres figurent les Gymnopédies et les Gnossiennes, écrites à la fin du XIXᵉ et au début du XXᵉ siècle.
Satie a marqué les générations suivantes d’une empreinte forte : on lui attribue d’avoir ouvert la voie aux mouvements comme le néoclassicisme ou même le minimalisme, tout en cultivant une façon unique de voir et d’entendre la musique.